• Jean-Jacques Lequeu. Bâtisseur de fantasmes au Petit Palais

    Six mois avant de disparaître dans le dénuement et l’oubli, Jean Jacques Lequeu déposait à la Bibliothèque Nationale l’une des œuvres graphiques les plus singulières et les plus fascinantes de son temps (1757-1826). Plusieurs centaines de dessins, présentés ici dans toute son étendue pour la première fois, témoignent du parcours d’un architecte des lumières qui n'a jamais rien construit...


    Fils d’un menuisier de Rouen, Jean-Jacques Lequeu , formé au siècle des Lumières, ayant travaillé pour Soufflot, voit son destin bouleversé par la Révolution. Contraint à un emploi de dessinateur pour l’administration, il croit toutefois à son talent et poursuit sans concession son ambition d’artiste. À défaut de réaliser des projets, il décrit scrupuleusement des monuments et des fabriques imaginaires peuplant des paysages d’invention. Dans le voyage initiatique qu’il accomplit sans sortir de son atelier, il voyage de temples en buissons, de grottes factices en palais, de kiosques en souterrains labyrinthiques, et se résout en fin de compte par une quête de lui-même de l’animal à l’organique, du fantasme et du sexe cru à l’autoportrait.

    L’île d'amour et repos de pêche (J-J Lequeu)
    L’île d'amour et repos de pêche (J-J Lequeu)

    Typique représentant de ce milieu artisanal, qui tente à la faveur des Lumières et de la Révolution de s’élever socialement et de s’affranchir du monde des métiers, il déchante rapidement, quand se reconstruisent un nouvel ordre et de nouvelles hiérarchies.

    Lequeu, fils de son siècle, celui du libertinage et des jardins anglo-chinois, n’en poursuit pas moins une voie entièrement libre et singulière. Ses projets d’églises, hôtels particuliers ou maisons de plaisance n’aboutissent pas ou, signe des temps troublés qui s’annoncent, sont interrompus. Puis il s’applique à rendre les moindres petits ornements, inscriptions, motifs, attributs et symboles de la République : son souci de précision et de perfection tourne à l’obsession. Il aime le complexe, l’anecdotique, la fantaisie. Sous l’Empire, il espère toujours décrocher une commande publique – le futur Palais impérial ou l’église de la Madeleine. Il propose aussi de compléter des édifices préexistants comme l’Arc de triomphe de l’Étoile. Mais ses contemporains restent indifférents.

    Ce qu'elle voit en songe - Bnf Département des estampes
    Bnf Département des estampes

    Né sous Louis XV et mort sous Charles X, il fut témoin des derniers feux de l’Ancien Régime comme des séismes de la Révolution et de l’Empire. Son œuvre élaboré en solitaire, alimenté par ses lectures d’autodidacte, reflète, par bien des aspects, les modes et les obsessions de ces temps bouleversés. Il se met en scène afin de donner une image favorable de lui-même : un esprit pétri de références littéraires (métamorphoses d'Ovide, Plutarque), artistiques et scientifiques (Encyclopédie).

    présentation de l'exposition par les commissaires


    Les historiens voient en lui un esprit extravagant, curieux de tout. Son imagination a paru féconde ou maladive. Il est qualifié tour à tour de maniaque, névropathe, pervers ou encore de petit employé de bureau. Même si peu d’architectes ont laissé autant d’autoportraits, Lequeu garde sa part d’ombre.

    Jean-Jacques Lequeu, bâtisseur de fantasmes - du 11 décembre 2018 au 31 mars 2019