Le musée du Louvre rend hommage à l'un des plus brillants artisans de sa création, juste avant Dominique Vivant-Denon. Peintre de ruines et de paysages pré-romantiques, Hubert Robert est au cœur d'une exposition très étonnante d'un personnage peu connu qui mériterait une plus grande renommée, celle d'un artiste majeur de son époque.
Hubert Robert, par Vigée-Lebrun (1788)
Comme beaucoup d'artistes de son époque, il entreprit son pèlerinage qui le conduisit de Rome où il réalisa de spectaculaires décors, des paysages poétiques sur le Palatin ou encore des caprices urbains : un "caprice" est un paysage avec des éléments architectoniques fictifs, qui représentent des ruines imaginaires. Il élabora parallèlement à ce voyage des études archéologiques, quelquefois fantaisistes, mais avec un grand talent. Chateaubriand écrivait que tous les hommes avaient un attrait secret pour les ruines, c'était particulièrement vrai pour Hubert Robert.
Caprice sur le Palatin et sa statue de Marc-Aurèle
Peu avant la révolution française, alors à l'apogée de son art, il réalise une série de décors stupéfiants qui en font un grand mémorialiste du "Paris Ancien". La démolition des maisons du pont au Change. (1788 ) ou Les Monuments de Paris. (1788) en sont quelques exemples fameux et l'exposition souligne également son rôle dans la création artistique de jardins à l'anglaise, très en vogue à cette époque.
Démolition des maisons sur le pont au change
Les "Monuments de Paris" de 1788 mérite
qu’on s’y arrête un moment. C’est un caprice sur les principaux édifices de
Paris, dans l’esprit de l’époque. Robert semble évoquer en bas à droite le
fameux pilier des Nautes, dont la découverte en 1711 avait captivé le milieu antiquaire. Les
deux reliefs entassés à côté pourraient être des restes de l’ancienne porte
Saint-Antoine détruite en 1778, représentant la Seine et la Marne, attribués
autrefois à Jean Goujon et à présent à Germain Pilon. Plus sûrement s’élèvent à
l’extrême droite la colonne monumentale de Jean Bullant, seul vestige de l’ancien
hôtel de Catherine de Médicis, sauvée en 1748 grâce au critique Louis Petit de
Bachaumont, et plus en avant à gauche l’autre monument récemment sauvegardé du quartier
des Halles, grâce cette fois à l’action de Quatremère de Quincy : la fontaine
des Innocents de Pierre Lescot et Jean Goujon. Elle y figure en fontaine
isolée, ornée des reliefs d’Augustin Pajou placés en 1788. Vient ensuite, au
centre, l’ancienne statue équestre de Louis XIII par Pierre Biard, qui trônait
autrefois au centre de la place Royale,
l’actuelle place des Vosges. Elle fait face à l’imposante porte Saint-Denis de
François Blondel placée devant la Colonnade du Louvre, qui avait été laborieusement
dégagée en 1770 des bâtisses qui empêchaient de l’admirer, faute de recul. La
Colonnade est prolongée, tout au fond à droite, par la fontaine de Grenelle de
Bouchardon, chef-d'oeuvre acclamé du retour au classicisme, et dominée par l’autre
monument emblématique du règne de Louis XV : l’église Sainte-Geneviève, de
Soufflot, alors tout juste achevée. Si l’absence de Notre-Dame est presque
naturelle à cette époque, plus étonnante
est celle des Invalides ? Il en est de même du choix de la statue mal
aimée de Louis XIII plutôt que celle de son successeur sur la place Vendôme ?
ou du monument à Henri IV du Pont-Neuf ? On comprend en revanche l’élimination
de bâtiments de l’époque comme la place Louis XV (Concorde), l’École militaire
ou la Monnaie, sans doute jugés moins novateurs, ou celle des barrières d’octroi
de Ledoux, décriées pour leur fonction.
Les monuments de Paris
Connaissant beaucoup d'aristocrates "suspects", et donc lui-même "suspect", il est arrêté, enfermé à Sainte-Pélagie puis à Saint Lazare sous la Révolution. Il échappe de peu à la peine capitale grâce à Thermidor 1794 et achève sa brillante carrière en conservateur attentif et engagé du tout récent "muséum central des arts", le futur musée du Louvre, à partir de 1795 et jusqu'en 1802. « Robert des ruines » laisse derrière lui un ensemble de perspectives grandioses, qu'il est urgent de redécouvrir.
La grande galerie du Louvre avec lumière zénithale