• Le 7 février 1728, le concerto des Quatre-Saisons d’Antonio Vivaldi est joué pour la première fois à Paris

    Le Palais des Tuileries
    En cette belle journée d’hiver, du beau monde se presse vers la grande salle du Palais des Tuileries. Le palais est quasi déserté depuis que le Roi a souhaité partir à Versailles en 1722 et le jeune Louis XV est encore “le bien aimé”. La foule qui se presse contre les grilles est refoulée par les gardes, car le Jardin est réservé au monde élégant. Les Suisses interdisent l’accès “aux soldats, aux gens en livrée, aux servantes, aux écoliers, aux pauvres et aux chiens”. Le populaire n’y a droit que le dimanche, et de plus, bien  habillé.

    Une fois passé, toutefois, on se pousse et s’étouffe devant une foule de curieux assis sur des chaises, qui évaluent les modes, qui comparent les toilettes, nobles et bourgeoises mélangées. En flânant, on peut toutefois y rencontrer de plaisantes dames, portant des masques qui ne sont pas destinés à faire peur, bien au contraire et laissent derrière elles, un sillage de parfum.
    N’ont le droit d’assister au Concert Spirituel que les invités de marque et aujourd’hui, on présente la Confrontation de l'harmonie et de l'invention, ensemble de douze concertos pour violon, dont Le Quattro Stagioni (les Quatre Saisons) d’un italien : Antonio Vivaldi surnommé le prêtre roux. Il est connu pour son talent dans toute l’Europe. Les Italiens ne peuvent se produire à l’Académie royale de musique, réservée à la musique française et à certains opéras, aussi le refuge du salon des cent-suisses aura le privilège d’entendre ce qui deviendra un sommet de la musique baroque.

    Il est six heures de l’après-midi, la petite aristocratie et la grande bourgeoisie peuvent se montrer, de même que les visiteurs étrangers de passage. Ceux qui le peuvent accèdent aux banquettes, loges et gradins. Le succès sera foudroyant. On y écoute la fraicheur du nouveau Printemps, la chaleur accablante de l’Été, les danses de la récolte en Automne, le gel de l’Hiver. Coucou, tourterelle, pinson, chien qui aboie, bourdon et mille autres inspirations prodigieuses au violon du vénitien car le livret détaille les symboles de la partition :
    Sous l’empire accablant du soleil qui écume
    Homme et troupeau languissent, et le pin se consume;
    Le coucou entonne son chant, et lui font chœur
    La tourterelle et le chardonneret moqueur.
    Zéphyr souffle tout doucement, mais tout à coup
    Survient Borée, son ennemi, qui le secoue;
    Le pastoureau gémit et tremble, car il craint
    Le choc de la bourrasque, et son propre destin.
    Ses membres convulsés l’épuisent, factionnaire
    Figé par les éclairs, la fureur du tonnerre,
    Les essaims affolés de frelons et de mouches!
    Hélas! il ne s’est pas alarmé sans raison :
    Le ciel fulmine et, sous l’assaut de ses grêlons,
    Les épis sont fauchés et les tiges se couchent. (L’Eté)
    L’innovation que représente le principe de l’imitation de la nature ainsi que le rôle donné aux solistes fait merveille. Le 25 Novembre 1730, le Roi demandera une représentation du Printemps à Versailles et y prendra goût. Gloire éphémère puisque, dès 1760, il cessera d’être joué et sera redécouvert en… 1921.

    L’Eté, par Julia Fischer et son Guadagnini de 1742