• L'école au Moyen Âge à la Tour Jean sans Peur

    Non, Charlemagne n’a pas inventé l’école. Elle existait déjà bien avant lui. En 529, le concile de Vaison décide la création d’écoles monastiques : une école doit se tenir par évêché et il demande à chaque prêtre en milieu rural de recevoir quelques garçonnets au presbytère pour leur enseigner le Latin, la Bible et la grammaire. La Tour Jean-sans-peur consacre une exposition aux formes médiévales de l’apprentissage et des savoirs, ils occupent déjà une place essentielle chez les enfants à partir de 3 ans, bien loin de l’oisiveté qu’on imagine. Pourtant, la légende n'a pas tout à fait tort : l’instruction ne se développera vraiment qu’au VIIIe siècle grâce à l’admonitio generalis (exhortation générale) de Charlemagne...


    L'école au Moyen Âge à la Tour Jean sans Peur

    La main, meilleur outil pour apprendre l’alphabet. XVe s. Bnf, ms Nouvelles acquisitions latines 1090 f° 82 v°L’école au Moyen Age est entre les mains de l’Église et reste réservé aux clercs jusqu’au XIe siècle, beaucoup d’établissements sont dans les monastères. Les cours consistent essentiellement dans une lecture de la Bible par le maître ou l’explication de la vie de jésus sur des supports pédagogiques comme les vitraux d’Églises ou les tapisseries. Le prix du livre, qui est proche de celui d’un troupeau explique sa rareté et les mains suffisent dans la plupart des cas pour apprendre à compter. Le maître est assis sur une « chaire » symbole d’autorité et les livres, s’il y en a, sont enchaînés au pupitre. Les élèves s'assoient où ils peuvent car les bancs et les tables n’existent qu’à la fin du moyen âge. Les livres d’alphabet ne seront diffusés qu’à partir du XVIe siècle.

    Ce maître peut être le prêtre ou la mère de famille, le chapelain ou un itinérant qui placarde ses savoirs pour montrer l’étendue de sa connaissance. Il doit posséder une licence pour avoir ce droit et il signe un contrat pour son travail qu’il ne peut quitter, sauf en cas de peste.

    SV201936 La punitionL’écoute et le respect sont des qualités essentielles qui peuvent contraindre ce maître à punir sévèrement s’ils ne sont pas respectés. Il est défendu de ricaner, de se battre ou même de parler, les élèves doivent communiquer par signes s’ils souhaitent s’exprimer, particulièrement au monastère. Ils doivent rester silencieux et en rang. La règle de Saint-Benoît recommande « La rigueur du maître et la bonté du père ». A l’aide d'une férule, ou d’un simple boisseau, il peut dompter le récalcitrant par des coups sur la tête, sur le visage, « de manière à ce que ça sonne aux oreilles », sans toutefois aller jusqu’au sang ou jusqu'à casser des membres. Un « escholier » qui se suspend aux cloches de l’église est fouetté. Il semble même que le bonnet d’âne, signe de paresse, existait déjà.

    Le cours de theologie XIV e s. Avignon, BM, ms 6733 f ° 56L’enseignement est un monopole du clergé. A Paris, au quartier latin, l’élève ne doit parler que le Latin et l’Université dépend exclusivement du pape. Au dehors, les étudiants se montrent souvent bagarreurs, fréquentent les tavernes et les ribaudes, s’amusent au pré aux clercs mais restent protégés par la justice ecclésiastique, indépendante de celle du Roi. Les goliards, ces étudiants tapageurs, ont pour devise « qu’il est doux de faire les fous ». Le calendrier scolaire est réglé sur les fêtes religieuses comme il l’est toujours de nos jours. L’école s’arrête l’été pour la période des moissons.

    L’apprentissage de base pour tous entre 3 et 5 ans est de connaître l’alphabet, savoir réciter le crédo, pater, ave maria, et lire la Bible par la méthode du « b-a-ba » . Mais il faut surtout savoir compter. « Il n’y a pas de différence entre celui qui ne sait pas compter et une bête ». En effet, si l'occasion de lire est rare, le calcul sert lors de multiples occasions : compter le temps, les heures, les mois, les saisons, compter les bêtes du troupeau et tenir un rôle dans la société marchande. Les tables doivent être connues par cœur, sous une forme inchangée jusqu’à nos jours. On se sert des dix doigts pour compter les dix commandements puis de dispositifs comme l’abaque (sorte de boulier) ou des chiffres arabes, qui demandent toutefois d’avoir un support papier et une plume, mais ils remplacent peu à peu les chiffres romains qui ne connaissent pas le zéro. La pédagogie utilise aussi les contes, les fables, les aventures de la table ronde, les exploits d’Alexandre le Grand ou de l’histoire Antique pour distiller des modèles de comportement. Le chant fait partie de l’éducation. Il est aussi important que la lecture ou la géométrie.

    Pour les plus grands, la combinaison Arithmétique, Géométrie, Musique et Astronomie constituent le Quadrivium universitaire, Les disciplines littéraires sont rassemblées dans le Trivium : Grammaire, Logique et Rhétorique.

    Petits chanteurs, chantre et sous-chantre. XVe s. Paris, BnF, ms Français 143 f ° 65 v°A Paris, les étudiants vivent modestement dans les établissements de la rue sainte-Geneviève ou rue du Fouarre, ils se regroupent par «  collèges » de communauté ethnique (nations), 44 collèges existent à Paris sur la rive gauche à la fin du XIVe siècle ! ils reçoivent les cours sur une botte de foin et se servent de la paille comme marque-page. Tout est mémorisé, rien n’est écrit et la discipline essentielle est la rhétorique : l’art de parler, d’où l’importance d’apprendre par cœur. Ce sont la plupart du temps des enfants de la ville ou des enfants de paysans chez lesquels le prêtre a pu observer des capacités et qui peuvent bénéficier d’une bourse. L’un de ces collèges, celui de Robert de Sorbon, se distingue par l’importance de sa bibliothèque : plus de 1500 volumes. Elle deviendra « l'Université de Paris » en 1257 rue Saint Jacques. Bologne et Montpellier suivront et on en compte une douzaine à la fin du siècle. Elles accueillent des étudiants dès l’âge de dix ans mais plus fréquemment 16 ans ! Le Baccalauréat est généralement obtenu autour de 14 ans. Les études permettent d’avoir la licence, la maîtrise et le doctorat pour enseigner une discipline. Il y a peu d’aristocrates car la tradition chevaleresque requiert d’autres apprentissages. Les disciplines les plus prestigieuses sont la théologie et la médecine qui nécessitent 15 ans d’études, l’étudiant se voit conférer le titre de docteur autour de 30 ans.

    Pour les autres c’est l’art de la main qui s'impose : l’apprentissage d’un métier est le plus souvent réalisé dans la famille pour les aînés ou chez un maître pour les cadets. L’enfant est nourri, logé, soigné mais les conditions sont difficiles : Ils signent des contrats à partir de 12 ans pour une durée de 3 à 6 ans chez un artisan et ne sont pas payés la première année. Les journées sont longues, de 9 à 13h par jour, ils n’ont pas le droit de s’enfuir, sauf en cas de peste.

    Moine écrivantLe plus difficile reste l’écriture et beaucoup d'élèves se contentent d’écrire simplement leur nom. En effet, ce savoir-faire n’a pas d’utilité pour les paysans, ni pour les aristocrates qui disposent de secrétaires et les femmes pourraient en profiter pour écrire des billets doux ou des poèmes amoureux ! reste les commerçants qui accordent même plus d’importance au calcul et à la comptabilité. Le choix de la plume, de l’encre, du papier, les calligraphies qui nécessitent du matériel et des exercices très longs rendent aussi cette discipline très élitiste et un peu complexe. Ils utilisent souvent une plume sur des tablettes recouvertes de cire.

    L’aristocratie utilise des pédagogues privés pour des disciplines complémentaires comme l’équitation, la lutte, la gymnastique, essentielles dans l’art militaire mais aussi les échecs, qui éveille la stratégie ou le tir à l’arc qui développe l’adresse. « Un roi illettré est comme un âne couronné » dit un proverbe. Ce n’était pas le cas du futur duc de Bourgogne : Jean sans Peur, dont l’ancienne demeure nous accueille une nouvelle fois si savamment,  : il reçut une éducation soignée à Gand, savait lire à 4 ans et monter un petit mulet à 5 !

    D.L

    du 16 novembre 2013 au 30 mars 2014, à la Tour Jean sans Peur, 20, rue Étienne Marcel – 75002 Paris, de 13h30 à 18h mercredi, samedi et dimanche

    www.tourjeansanspeur.com