• Renoir père et fils : Peinture et Cinéma au musée d'Orsay.

    Dans le tournage d’ « une partie de campagne » Jean Renoir multiplie les références au travail de Pierre-Auguste Renoir. Dans cette exposition, Le musée d’Orsay explore les liens d’un fils cinéaste à un père artiste peintre, mais aussi la naissance de sa propre autonomie artistique. Une belle occasion de se rendre compte de l’influence des thèmes chers au passé familial dans l’œuvre du cinéaste mythique…..

    Renoir père et fils. Peinture et cinéma au musée d’Orsay

    C’est au travers de tableaux, d’extraits de films, de photographies, de costumes, d’affiches, de dessins et de documents, pour certains inédits, que cette exposition explore des thèmes communs.


    Immense cinéaste, Jean Renoir (1894-1979) était aussi le fils d'un immense peintre, Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), qu’il a, au fond assez peu connu. Auteur de films fameux comme La Grande Illusion (1937), La Règle du jeu (1939) ou encore Une Partie de campagne (1936-46), il confiait à la fin de sa vie :

    J'ai passé ma vie à tenter de déterminer l'influence de mon père sur moi, je passais par des périodes où je faisais tout pour échapper à cette influence à d'autres où je me gavais de formules que je croyais tenir de lui

    Ils ont fini par incarner une certaine tradition française, des lieux : Cagnes, Montmartre ; une époque : la fin du XIXe siècle.

    Jean Renoir, adolescent
    Jean Renoir, adolescent

    Une partie de campagne est le film où Jean se rapproche le plus du passé mythifié, bonheur des jeunes années, de de la nature et du plein air. Jean adapte une nouvelle de Guy de Maupassant, contemporaine des « parties de campagnes » peintes par Pierre-Auguste avec la fameuse scène où Sylvia Bataille fait de la balançoire (dont une simulation se trouve aujourd'hui dans le jardin Renoir du musée Montmartre).Déployant et expérimentant toutes les ressources qu'offre cet art encore jeune (plans, montage, musique), le réalisateur raconte à sa manière, avec une apparente désinvolture et une profonde sensibilité "l'histoire d'un amour déçu".

    Le dejeuner des canotiers –P-A Renoir
    Le dejeuner des canotiers –P-A Renoir

    A la mort de Pierre-Auguste Renoir en décembre 1919, Jean vend la quasi-totalité de son héritage pour financer ses premiers films. Dans l’exposition, on voit André Derain très réaliste dans le rôle d’un aubergiste qui souffre d'une rage de dents « La fille de l’eau – 1925 » . Son épouse, actrice elle-même, lui inspire une version très « charleston » de « Nana » en 1926. Il quitte la France pour les États-Unis pendant la guerre et fait son retour en 1953 pour deux films dont l'action se situe dans le Paris des années 1880 et de la Belle Epoque, « French Cancan » (1955) puis « Elena et les hommes » (1956). Cet heureux retour prend la forme d'une évocation nostalgique du Paris des impressionnistes et d'un hommage au Montmartre fin-de-siècle, qui le vit naître.


    La famille Renoir s'était en effet installée en 1889, au château des Brouillards, rue Girardon. Montmartre, ses ruelles, ses habitants et ses castes qui se côtoient sans se mêler, selon les mots de Jean, apparaissent comme l'un des thèmes majeurs de French Cancan. Jean s'inspire de l'esprit des peintures de son père, et notamment du Bal du Moulin de la Galette (1876), pour les scènes de bal des deux films, Dans « French Cancan », des affiches de Jules Chéret apparaissent au générique et en arrière-plan de plusieurs scènes et la séquence finale d'inauguration du Moulin Rouge avec son frénétique chahut, point d'orgue du film, est un vibrant hommage à Henri de Toulouse-Lautrec (dans l’exposition, on peut également entendre la fameuse chanson de la butte popularisée par Cora Vaucaire). Jean Renoir aimait à dire qu'il était un homme du XIXe siècle.

    Il adapte à l'écran plusieurs monuments de la littérature française de cette époque, Mérimée, Andersen, mais aussi Madame Bovary de Gustave Flaubert, Nana et La Bête humaine d'Émile Zola, Une partie de campagne de Guy de Maupassant et Le Journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau. Pour la réalisation, Jean déclara avoir consulté les œuvres de son père, non pas tant pour en tirer des motifs, mais pour nourrir sa direction d'acteurs. Avec « Le Déjeuner sur l'herbe », comédie tournée à l'été 1959, Jean poursuit son travail de mémoire, Dans une longue séquence, il multiplie les plans sur les oliviers centenaires aimés et peints par son père.

    Jean Renoir enfant peint par son père
    Jean Renoir enfant peint par son père

    Le retour sur les lieux de son enfance est pour le cinéaste "comme un bain de pureté et d'optimisme", il lui révèle également la distance qui sépare désormais ses souvenirs de la réalité. Il ne tournera plus en France et passera les vingt dernières années de sa vie aux États-Unis :

    Pour notre paix spirituelle, nous devons essayer d'échapper à la magie des souvenirs. Notre salut, c'est de plonger résolument dans l'enfer du monde nouveau" conclut-il.


    Du 6 novembre 2018 au 27 janvier 2019 au Musée d’Orsay.