Napoléon Bonaparte n’a pas laissé l’image d’un architecte de Paris comme Philippe Auguste, Henri IV, Louis XIV, Louis XV ou comme le sera son neveu Napoléon III : Pas de places prestigieuses, celle du Châtelet sera ornée d'une belle fontaine après la destruction du vieux bâtiment, mais sans véritable urbanisme alentour, celle de la Bastille restera en chantier avec son éléphant bizarre dont des milliers de rats s'échappèrent, dit-on, lorsqu'il fut détruit.

Pour comprendre ce qui s’est vraiment passé, il faut revenir à l’état de la ville en 1799 au sortir de la Révolution. Les auteures du livre ont retenu une couverture symbolique avec cette toile d’Étienne Bouhot qui montre la place Vendôme où la colonne et la statue de Napoléon ont remplacé celle de Louis XIV , mais surtout la destruction de l'église des feuillants sur la droite : Paris est alors une ville en déconstruction.

De cette triste réalité découle ce qui suivra après le coup d’état de Brumaire : Des chantiers de démolition occupent les chômeurs, suivis par l'élévation d’immeubles de rapport ou location, bien plus rentables que la construction d’hôtels particuliers. La nouvelle noblesse militaire occupe ceux de l’ancienne, repris avec une nouvelle ornementation douteuse à la mode égyptienne issue de la conquête de 1798 : sphinges, lions, disques solaires etc. Une mode à l'origine de l'urbanisation de la place du Caire et de son passage. On construit après avoir confisqué, vendu puis détruit : St Marcel et St Victor disparaissent respectivement en 1806 et 1811 : beaucoup de marchés sont ouverts sur les anciens couvents, mais aussi une halles aux vins, halle aux blés, halle aux innocents.

En 1825, Victor Hugo écrit dans sa « guerre aux démolisseurs » :

C'est pour remettre « sa » ville sur pied, maintenant capitale d'un Empire, mais aux allures de clocharde que Napoléon se livra à sa frénésie de décrets, dans un vrai souci d'en améliorer l'hygiène, la sécurité, l'allure générale, occuper ses habitants et libérer une spéculation foncière sans limite pendant tout le siècle : La réalisation du premier cadastre est effectuée en 1802, tandis que les voies sont scrupuleusement numérotées. On construit des égouts, des ponts (d'Iéna , d’Austerlitz, pont des Arts, passerelle Saint Louis), on aménage le canal saint Denis et le canal de l’Ourq, accompagnés par la construction d'une quinzaine de fontaines dans une architecture audacieuse (Mars, fontaine aux lions…) Les cimetières sont renvoyés hors les murs en 1801 : le père Lachaise, Montparnasse, Passy et Montmartre sont créés. La distribution postale est réorganisée.

Les sapeurs pompiers sont créés, 5 Abattoirs sont ouverts aux portes de Paris (quand auparavant l’abattage avait lieu dans les rues ou chez le boucher). L'organisation des fiacres et des messageries est revue en laissant une grande liberté aux entrepreneurs, un principe également appliqué à la presse, bien qu'étroitement surveillée, qui bénéficie de montages libéraux pour son commerce. L'université est supprimée et les lycées réorganisés militairement avec quelques créations fameuses (polytechnique, Henri IV...). L'organisation bicéphale de la capitale (préfet de police + maire) est aussi instituée à cette époque et reste encore en place aujourd'hui, tout comme ces nombreux édifices qui sont nettoyés et affectés à une fonction qu'ils animent encore de nos jours : l'ancien collège de L'Institut pour les académies, Notre-Dame pour la solennité des grands évènements nationaux et bien sûr l'hôtel des Invalides qui devient un panthéon militaire avec les transferts des restes de Turenne et de Vauban.
Vous trouverez dans le livre d'Irène Delage et de Chantal Prevot une photographie précise d'une capitale en mouvement telle qu'il souhaitait la voir rendue à sa gloire en dépit des enlaidissements, une ville en chantier permanent, animée de la même émotion qu'une naissance. Toutes les images de ce nouveau-né, ces détails étonnants du Paris Impérial, avec une carte par page et par thème ! s’inscrivent dans la prestigieuse collection des « atlas de paris haussmannien » ou « atlas de paris au moyen âge » : un livre de référence à ne pas rater pour qui s’intéresse à l'épopée napoléonienne ou se passionne pour une des périodes les plus agitées de l'histoire de Paris.
D.L
Interview :