Le Canal éducatif nous donne une vue très perspicace de ce tableau, révolutionnaire, sous un aspect banal : peint par une femme, Elisabeth-Louise Vigée-Lebrun, c’était aussi une opération de propagande et la première fois qu’une reine de France s’exhibait ainsi avec ses enfants, montrant par là sa fertilité, qui était son premier devoir, mais aussi sa proximité avec toutes les mères dans leur rôle d’éducatrice des enfants : une posture assez nouvelle. D’autres messages s’échappent également de détails discrets : l’absence de bijoux, l’attitude de sa fille, le geste du Dauphin…


Commandé en 1787, deux ans après l’escroquerie de l’affaire du collier, qui provoqua un scandale énorme dans le pays, la reine offensée apparait sans fioriture et essentiellement occupée par ses enfants. À Londres, la comtesse de la Motte, marquée au fer rouge, mais qui a réussi à s’évader de la Salpêtrière, prépare ses “mémoires” graveleuses ; elle y parle d’entrevues saphiques avec la Reine, dans ce qui sera le best-seller de 1789. À Paris, au Palais-Royal, les pamphlets financés par son cousin d’Orléans, se déchaînent contre Marie-Antoinette en la calomniant, l’accusant d’avoir de nombreux amants, des maîtresses même, de vider les caisses du pays pour ses toilettes et ses bijoux : des attaques jamais vues pour une reine, tout comme le reproche d’être étrangère, ce qui était pourtant une tradition depuis longtemps, mais surtout catholique et Autrichienne, dont le mariage était le résultat d’un renversement d’alliances que certains considéraient contre-nature et d’autres comme la conséquence humiliante du traité de Paris, trois ans auparavant.
