Misia Godebska Natanson Edwards Sert (1872-1950) est une figure de légende de la vie artistique française de la Belle Époque. Le musée d’Orsay rend hommage à une artiste, pianiste sans carrière, russe vivant en France, cosmopolite et parisienne, secrète et tenant salon. Surnommée Madame Verdurinska par Gabrielle Chanel pour ses réceptions courues du Tout-Paris de la Belle Époque et dans lesquelles s’agitent de nombreux artistes, tous amoureux d’elle, qu’elle se plait à réunir et tout autant à brouiller. Mariée trois fois, divorcée trois fois, éloge d’une vie de divertissement, de mode et de luxe.



Parée de toutes les bontés par un mari qui affectionne son côté animal et magnétique, Misia est un spectacle quotidien pour sa cour d’artistes qui apprécient ses tenues suggestives et ses robes échancrées. Elle entretient un imaginaire érotique en posant pour eux, sans toutefois aller au-delà de ce qui est convenable.


C’est la même année que débarquent à Paris les ballets russes de Dhiagilev qui passionneront et scandaliseront la capitale avec la chorégraphie de Nijinsky dans l’après-midi d’un faune. Audace d’une modernité surprenante à laquelle il est fait allusion dans l’exposition par une reconstitution de quelques modèles de Parade, montage de Picasso, Cocteau et Satie. Misia finance largement le projet et se passionne pour cette nouvelle mode tout autant que pour la musique de Stravinsky ou le Boris Godounov de Moussorgski.


Misia fit la connaissance de Gabrielle Chanel en 1917. Début d’une longue amitié avec celle qui recueillera son dernier souffle. Elle n’avait eu que des maris et pas d’amant, Coco n’eut que des amants et pas de mari. Amour et rivalités, attraction et disputes, une vie romanesque qui se terminera dans les drogues, solitaire comme tragique en 1950. Mallarmé, Debussy, Diaghilev avaient disparu, les guerres étaient passées par là et rien ne restait du temps d’avant. Oubliées les affabulations, les manipulations, les chamailleries hautaines, les indiscrétions subtiles, mais qui autorisent, au bout du compte, à se demander : qui était vraiment Misia ? Une réponse à trouver, comme on lit cette exposition : entre les lignes.
« Chez Mme Verdurin la troupe était parfaite, entraînée, le répertoire de premier ordre, il ne manquait que le public. Et depuis que le goût de celui-ci se détournait de l’art raisonnable et français d’un Bergotte et s’éprenait surtout de musiques exotiques, Mme Verdurin, sorte de correspondant attitré à Paris de tous les artistes étrangers, allait bientôt, à côté de la ravissante princesse Yourbeletief, servir de vieille fée Carabosse, mais toute-puissante, aux danseurs russes. Cette charmante invasion, contre les séductions de laquelle ne protestèrent que les critiques dénués de goût, amena à Paris, on le sait, une fièvre de curiosité moins âpre, plus purement esthétique, mais peut-être aussi vive que l’affaire Dreyfus. Là encore Mme Verdurin, mais pour un tout autre résultat mondain, allait être au premier rang. Comme on l’avait vue à côté de Mr Zola, tout au pied du tribunal, aux séances de la Cour d’assises, quand l’humanité nouvelle, acclamatrice des ballets russes, se pressa à l’Opéra, ornée d’aigrettes inconnues, toujours on vit dans une première loge Mme Verdurin à côté de la princesse Yourbeletief » M.Proust – A la recherche du temps perdu.

Musée d’Orsay – Misia, Reine de Paris - Exposition du 12 juin 2012 au 09 septembre 2012
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