Exposition Sorcières, Mythes et réalités au Musée de la Poste



Les curieux ont rendez-vous au musée de la Poste avec la face cachée de l’humanité pendant des siècles : la sorcellerie. Cette exposition présente son histoire et nous explique sérieusement et quelquefois de manière ludique les principales évolutions de cette pratique. L’histoire est captivante, elle commence au Moyen Âge, une époque où la vérité n’est pas dans le réel, comme aujourd’hui, mais dans les mots : le Diable a mille noms : Belzebuth, Asmodée, Astaroth, Putiphar, Dagon, Groncade, Léviathan, Asmodée, des épouses Astarte, Belphegor, des légions… Chax, Baal, Barbatos, Mephistopheles, Lucifer, Moloch, Satan etc. etc. …

Histoire d’un monde où la nature est hostile et ne contient rien de vraiment bon, des forêts dangereuses remplies d’animaux menaçants, sous les nuits inquiétantes, la faim, la maladie et la mort rodent, chez les enfants, les femmes qui meurent en couches, les adultes dont la grosse majorité n’atteint pas trente ans. Un monde qui n’est à l’évidence pas le vrai, créé par un Dieu bon, généreux et tout puissant, mais de manière visible et évidente la possession du Diable par l’omniprésence du mal. Le moyen de le reconnaître est le seul antidote, le seul remède. Pour d’autres, il peut constituer un allié précieux pour de sombres projets et un moyen efficace de régler les petites affaires du jour. En sachant s’y prendre, il devient possible de faire intervenir les puissances maléfiques pour son propre compte, puisqu’elles n’ont de cesse que de le réclamer.

De là, naît toute une liturgie de damnations et de pratiques occultes auxquelles répond une métaphysique de la rédemption : en 1245, Albert le Grand crée un grimoire célèbre à usage d’exorciste : le grand Albert, véritable best-seller de l’époque, encore en vente de nos jours ! En 1233, le pape Grégoire IX crée l’inquisition, tribunal formel visant à enquêter sur les affaires de sorcellerie et éviter qu’on ne brule pour un oui ou pour un non et surtout juger les hérésies, interprétations douteuses du canon biblique prétendument inspirées par le Diable. On trouve souvent des femmes au rang des possédées, car filles d’Ève, mal  inspirée et proies tentantes pour les forces des ténèbres puisque source de l’hérédité et avenir de l’humanité ;  assurément, la vision du mal est partout : borgnes, bossus, boiteux, culs-de-jatte, bègues, épileptiques, fous… Chacun sait que le bruit du tonnerre et l’éclair sont séparés d’un petit laps de temps (en raison de la vitesse de la lumière qui est plus grande que celle du son) ; en sorcellerie, on dit que Dieu envoie un éclair pour laisser le temps de se signer avant d’entendre le cri du Diable… le signal du sabbat !
“À nos patrons du ciel recommandons nos âmes !
Parmi les rayons bleus, parmi les rouges flammes,
Avec des cris, des chants, des soupirs, des abois,
Voilà que de partout, des eaux, des monts, des bois,
Les larves, les dragons, les vampires, les gnômes,
Des monstres dont l’enfer rêve seul les fantômes ….
.Debout au milieu d’eux, leur prince Lucifer
Cache un front de taureau sous la mître de fer ;
La chasuble a voilé son aile diaphane,
Et sur l’autel croulant il pose un pied profane”
Victor Hugo – ronde du sabbat dans : odes et ballades
Le sabbat des sorcières (Francisco Goya, 1797-1798).L’apogée eut lieu lors du terrible quatorzième siècle, quand l’Europe perd le tiers de sa population avec la peste noire, la guerre de cent ans qui ravage les récoltes et quand l’Église se débat dans le grand schisme. Jeanne d’Arc connaîtra un exorcisme à Vaucouleurs avant son aventure et sera brûlée comme sorcière en 1421, car jugée responsable de la reprise de la guerre avec les Anglais et donc inspirée par le diable de vouloir créer de nouveaux désordres. Mais contrairement à ce que l’on croit généralement, le paroxysme de l’activité démonique n’eut pas lieu à cette époque, mais entre 1580 et 1680. Ou, plus exactement, avec la réforme et la contre-réforme où tout s’accélère très vite. Avec Luther et Calvin, la réforme plaide que, quoi qu’il fasse, l’homme est mauvais, ce qui ouvre de nouvelles perspectives au Malin. La faute est pardonnée par la grâce de Dieu et nul ne peut y échapper.

De là, l’hystérie de la magie et de l’exorcisme ira bon train au bal des détraqués. Le sabbat devient lieu d’orgies sanguinaires, d’infanticides, de baptême de crapauds, où l’on met à bouillir des cerveaux de chats dans des marmitons assaisonnés de sperme, de sang menstruel et de farine, où nagent des queues de serpents ou autres animaleries sous l’œil d’un grand bouc aux cornes de cerf. Une fois le festin terminé, les sorcières s’accouplent avec les démons. En 1609, le diable connut charnellement Jeannette d’Abadie qui témoigne :
"Le membre du démon était fait d’écailles comme un poisson, d’environ une aune (1m82) mais il le tient entortillé et sinueux en forme de serpent. Les écailles se resserrent en entrant et se relèvent et piquent en sortant, c’est pour cela qu’il fait tant crier les femmes”

En réponse, les procès en sorcellerie et les bûchers s’allument en Occident comme jamais. Vous trouverez à l’exposition les plus fameuses affaires de l’époque qu’on nomme pourtant aujourd’hui “le siècle de la raison”. Le rite de l’exorcisme, pour chasser le démon du possédé, est fixé en 1614.

- L’étrange curé Grandier en 1632 et les possédés de Loudun.
- Le père Mathurin Picard et Madeleine Bavent à Louviers en 1643
- L’empoisonneuse marquise de Brinvilliers et le chevalier de Sainte-Croix à Paris en 1676
- Catherine Deshayes (la Voisin) et Guibourg  à Paris en 1680


Voltaire
et ses amis riront  de ces superstitions au cours du siècle suivant mais elles retrouveront un élan mystérieux à travers la littérature du XIXe siècle : le docteur Faust de Goethe connaîtra un succès considérable, mais aussi Mary Shelley avec son Frankenstein, Bram Stoker et son Dracula, jusqu’à Oscar Wilde et le portrait de Dorian Gray. L’imaginaire satanique revient en force avec la révolution industrielle qui, pour certains, s’accompagne de désordres inexplicables, de drames épouvantables, de misère et d’injustice et y voient une marque diabolique. L’Église y retrouvera même une vigueur certaine, perdue au siècle précédent, multiplie les œuvres charitables et les cérémonies, chose impensable à l’époque des lumières.
Aujourd’hui mise au rang des faits divers dans d’obscures sectes ou d’amusement pour enfants lors d’Halloween ou à Poudlard, la superstition garde encore un pouvoir d’attraction si on en juge par la fascination qu’exercent certaines œuvres de cinéma, la divination, les prophéties de fin du monde, mais si Dieu est encore dans les médias, souvent entre la poire et le fromage, son rôle dans le bigbang ou les malheurs de la planète,  il est rare qu’on y parle du Diable. Son ennemi n’a pas droit à tant de controverses, et son nom prête plutôt à sourire. Est-ce à dire qu’inconsciemment nous aurions intégré qu’il ne reste plus que deux alternatives ? Nous en sommes vraiment débarrassés, l’hypothèse favorable, ou bien il est d’une évidence avérée et on en parle pas, l’hypothèse est moins réjouissante…
SORCIÈRES Mythes et réalités Du 23 novembre 2011 au 31 mars 2012 Musée de la poste - 34 boulevard de Vaugirard 75015 Paris
http://www.laposte.fr/adressemusee/informations-pratiques/acces-horaires-et-contacts 
La scène des sorcières du “Macbeth” de W.Shakespeare