Figures du fou au Louvre

Le musée du Louvre consacre cet automne une exposition inédite à ces multiples figures du fou, qui foisonnent dans l’univers visuel du XIIIe au XVIe siècle. le fou envahit l’espace artistique et s’impose comme une figure fascinante, trouble et subversive. Si le fou fait rire et amène avec lui un univers plein de bouffonneries, apparaissent également des dimensions amoureuses, érotiques, tragiques et violentes. Capable du meilleur comme du pire, le fou est tour à tour celui qui divertit, met en garde, dénonce, inverse les valeurs, voire même inquiète l’ordre établi.

 

Figures du fou au Louvre

 

l’exposition propose un parcours exceptionnel et met en lumière un Moyen Âge profane, passionnant et bien plus complexe qu’on ne le croit. Elle explore également la disparition du fou lorsque triomphent la Raison et les Lumières, avant une résurgence à la fin du XVIIIe siècle et pendant le XIXe siècle. Le fou devient alors la figure à laquelle les artistes s’identifient :
Et si le fou, c’était moi ?

 

Le Tentateur. Cathédrale de Strasbourg. 13e siècle. Moulage.
Le Tentateur. Cathédrale de Strasbourg. 13e siècle. Moulage.

Sur le portail de la cathédrale de Strasbourg, le tentateur séduit les vierges folles par son élégance, leur faisant oublier Dieu, tandis que le christ introduit les vierges sages au paradis. La parabole des vierges sages et des vierges folles développe l’idée que l’insouciance et la paresse conduisent à l’oubli de Dieu.


Miséricordes de Stalle. 14e siècle. East Argilia (Angleterre)
Miséricordes de Stalle. 14e siècle. East Argilia (Angleterre)

Les miséricordes sont des sortes de strapontins sur lesquels les chanoines peuvent s'appuyer tout en restant debout pendant les offices. La figure centrale représente la moisson. Les figures latérales sont empruntées au monde des monstres.


Les proverbes flamands. 1607. Peter brueghel le jeune. Lierre Statdsmuseum
Les proverbes flamands. 1607. Peter brueghel le jeune. Lierre Statdsmuseum

L'idée du "monde à l'envers" . Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, se multiplient des créatures étranges, hybrides, grotesques... la figure du fou est vue au départ comme l’incarnation de ceux qui refusent Dieu et le manifeste dans un comportement anormal, des habits déchirés ou bigarrés. L’insensé a dit en son cœur : « il n’y a pas de Dieu »


Danseur de Mauresque. Le magicien. Josef Baumgartner. 1957 original 1480
Danseur de Mauresque. Le magicien. Josef Baumgartner. 1957 original 1480

Enraciné à l’origine dans la pensée religieuse, comme personnification de l’« insensé » rejetant Dieu, le fou s’épanouit surtout dans le monde profane pour devenir, à la fin du Moyen Âge, une figure essentielle de la vie sociale urbaine, dans les confréries et carnavals notamment, jusqu’à son incarnation à la cour en la personne du « fou du roi ». A la cour, sa folie est contagieuse et s’exprime dans la danse de la mauresque, où les danseurs, dont le fou, se transforment en contorsionnistes.


Porte Serviette. Fou enlaçant une femme. vers 1535. Allemagne
Porte Serviette. Fou enlaçant une femme. vers 1535. Allemagne

Gare à celle qui sort du droit chemin tracé par les vertus domestiques, la folie s'empare d'elle aussitôt. Au XIIIe siècle, le fou est inextricablement lié à l'amour, à sa mesure ou à sa démesure.

 

Aristote et Phyllis. 1519. Attribué au maitre G.F
Aristote et Phyllis. 1519. Attribué au maitre G.F

A la fin du moyen age et pendant la première moitié du XVIe siècle, le thème satirique d'Aristote dominé par Phyllis connait un grand succès et représente le pouvoir des femmes. Le fou met l'accent sur le caractère lubrique, voire obscène, de l'amour humain. Le philosophe Aristote, aveuglé par son amour pour la belle Phyllis, se laisse chevaucher par elle sous le regard amusé de son élève Alexandre le Grand, lui-même amant de la belle.


Vanité : Femme et Squelette. vers 1520.Ivoire. Musée de Berlin
Vanité : Femme et Squelette. vers 1520.Ivoire. Musée de Berlin

La vanité des plaisirs du monde : Une vénus érotisée folle de son corps, devient squelette. le fou met en garde ceux qui se laissent aller à la débauche : la mort les guette, mort qui entraînera le fou lui-même dans une danse macabre … la figure du fou se glisse entre Éros (l’Amour) et Thanatos (la Mort).

 

Jeanne la folie d'amour. vers 1496. Juan de Flandes. Musée de Vienne.
Jeanne la folie d'amour. vers 1496. Juan de Flandes. Musée de Vienne.

Jeanne de Castille (1479-1555) folle amoureuse. Elle devient victime de crises de démence à la mort de Philippe le Beau et reste enfermée de 1509 à 1555 ! Elle est dépossédée de ses biens par son père Ferdinand II d’Aragon et son fils Charles Quint et fut ainsi dénommée Jeanne la Folle.


Exorcisme de jeanne la folle. 1876. W.Geets. musée d'Anvers.
Exorcisme de jeanne la folle. 1876. W.Geets. musée d'Anvers.

Jeanne subit de multiples exorcismes afin d'éloigner ses démons. Tous restent inefficaces.


Exorcisme de la folie de Charles VI. F.A.Biard. 1839. Musée de Leipzig
Exorcisme de la folie de Charles VI. F.A.Biard. 1839. Musée de Leipzig

Régner à la folie : le Roi Charles VI est frappé de folie dans la forêt du Mans. Là encore, l'exorcisme s’avère inefficace contre ses « absences » de raison. Il entraine le royaume de France à sa perte.


Le roi Charles VI dans les bras d'Odette de Champdivers. JPV Huguenin. 1839. Dole
Le roi Charles VI dans les bras d'Odette de Champdivers. JPV Huguenin. 1839. Dole

Le "povre roi fol" se console avec sa favorite.


Amants surpris par un fou et la mort. vers 1530. Pieter Coecke van Aelst. Coll.Part
Amants surpris par un fou et la mort. vers 1530. Pieter Coecke van Aelst. Coll.Part

La passion amoureuse est une forme de folie qui dépossède l’homme. Les grands romans du Moyen Âge l’expriment par les épisodes de folie que traversent tous leurs héros : folie réelle, tel Lancelot, ou feinte,
tel Tristan revenant déguisé en fou à la cour du roi Marc. Le jardin est le lieu par excellence de la rencontre des amants. Personnage lubrique par ses grimaces et ses gestes obscènes, le fou devient le symbole de la luxure.


Le charlatan ou l'arracheur de dents. vers 1754.Tiepolo. Musée du Louvre
Le charlatan ou l'arracheur de dents. vers 1754.Tiepolo. Musée du Louvre

Si au 18e siècle, les représentations de fous se font moins nombreuses, les amuseurs italiens de la « Commedia dell’arte »  reprennent les attitudes de bouffonneries dans le théâtre ou les carnavals. Arlequin et les polichinelles deviennent très populaires tout comme le personnage de Don Quichotte un siècle plus tôt chez Cervantès.

 

Stanczyk bouffon de la cour de de Pologne. J.Mateijko.1862. musée de Varsovie.
Stanczyk bouffon de la cour de de Pologne. J.Mateijko.1862. musée de Varsovie.

Le bouffon de la cour polonaise, Stanczyk, accablé après la perte de Smolensk face aux russes. Dans l'arrière salle, la cour insouciante s'amuse. Le fou tragique devient une figure romantique. Victor Hugo ressuscite la figure du fou dans Notre-Dame de Paris en 1831 avec le personnage de Quasimodo, élu « pape des fous » par la foule !


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DU 16 OCTOBRE 2024 au 3 FÉVRIER 2025 - MUSÉE DU LOUVRE


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