• En Toute Intimité d’Elizabeth Emery

    QUAND LA PRESSE PEOPLE DE LA BELLE ÉPOQUE S’INVITAIT CHEZ LES CÉLÉBRITÉS .

    Les interviews et les reportages au domicile de personnages célèbres ne datent pas d’hier. Elizabeth Emery a rassemblé les archives de « La Revue Illustrée » des années 1892-1894 pour nous proposer cette synthèse d’entretiens avec les vedettes du moment. À l'époque, l’exercice était balbutiant et la photographie moins optimisée que de nos jours au cœur des revues « people », mais cette revue de presse nous révèle une belle authenticité sur ce monde disparu.

    En Toute Intimité d’Elizabeth Emery


    Le temps d'un entretien, ces personnalités partagent leur intimité avec les journalistes de la revue : Paul Bourget, Aristide Bruant, François Coppée, Alphonse Daudet, Alexandre Dumas, Jules Ferry, Camille Flammarion, Ludovic Halévy, Pierre Loti, Jules Massenet, Robert de Montesquiou, Mme Réjane, Victorien Sardou, Jules Verne, Émile Zola.

    Pour le lecteur, plusieurs chemins d’analyse sont possibles : aspects de la vie quotidienne, curiosité légitime, mais aussi celle de la décoration des intérieurs, voulue ou non, n'est elle pas le reflet de l’âme ? Une loupe sur la vie privée, assez rare cependant et surtout leurs préoccupations du moment. De ces dialogues, se détachent clairement les stances consacrées à Emile Zola, Jules Ferry et Dumas fils, de fortes personnalités qui marquèrent leur temps et les esprits. On découvre, par exemple, un Émile Zola profondément nostalgique du Moyen Age, entouré de milliers de bibelots plus ou moins authentiques, selon lui. C’est dans ce même appartement, 21 bis rue de Bruxelles, que l’auteur des Rougon-Macquart trouvera la mort 10 ans plus tard.  Pierre Loti avoue une passion pour sa maison de Rochefort dont les photos accompagnent la conversation ; on découvre aussi un Jules Ferry collectionneur de tableaux.

    Une conversation avec Pierre Loti
    Pierre Loti dans sa maison de Rochefort

    Mais à mes yeux, ce qui ressort de façon magistrale de ces entretiens est le prestige considérable de l’écrivain, de l’auteur, du poète, quand paradoxalement le droit d’auteur n’était que dans l’enfance. À l'époque, de sport, de Cinéma, de Radio, il n’y avait pas. Le spectacle se trouvait sur la scène (Mme Réjane, Victorien Sardou) ou dans la musique (Jules Massenet, Aristide Bruant) dans une dimension aujourd'hui inimaginable, mais la littérature avait une aura d’exception qui se mesure dans le choix des célébrités retenues par l'auteur et les sujets de discussions. Par exemple l'importance de l’élection à l’Académie Française, à laquelle d’ailleurs Zola échouera 25 fois de suite.

    L'homme politique est rare, est-ce un choix délibéré ? a-t-il vraiment pignon sur rue ? pas assez vendeur ou trop roboratif ? idem pour le scientifique, alors que le poète est bien là, lui, omniprésent, quand il a disparu de nos magazines aujourd’hui. Outre la curiosité que représentent les témoignages de ces vedettes de la fin du XIXe siècle, ils s’accompagnent d’une statistique sociologique qui en dit long… et permettent de mettre en perspective les préoccupations de la presse et plus généralement, de la Belle Époque… Comme un salon qui livre de belles surprises.

    D.L

    Elizabeth Emery est professeur à Montclair State University (New Jersey, États-Unis). Elle a publié plusieurs livres traitant la culture française du XIXe siècle, parmi lesquels Romancing the Cathedral: Gothic Architecture in Fin-de-siècle French Culture, Consuming the Past: The Medieval Revival in Fin-de-siècle France (avec Laura Morowitz) et Photojournalism and the Birth of the Author House Museum.

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