• LUMIERE ! Le Cinéma inventé



    LUMIERE ! Le Cinéma inventé

    À l’occasion du 120e anniversaire de la naissance du Cinéma, l’Institut Lumière organise au Grand Palais, à Paris, une exposition inédite dédiée aux inventeurs Louis et Auguste Lumière. Retour sur un évènement majeur qui laissera sa trace sur tout le Xxe siècle.
    Durant l’été 1894, Antoine Lumière, le père des deux entrepreneurs Louis et Auguste Lumière, fait irruption dans leur bureau et sort de sa poche un morceau de bande de la dernière invention à la mode, le kinétoscope, en disant « voilà ce que vous devriez faire ! Edison vend cela à des prix fous ». C’est le point fort d’Antoine de repérer les nouveaux marchés porteurs, tandis que ses fils sont des inventeurs, des ingénieurs. Louis se demande déjà « et pourquoi pas aussi concevoir l’appareil qui lirait cette pellicule ? »

    Le cinematographe en cameraDans un premier temps, Auguste Lumière dresse divers plans, construit différents prototypes, pour tenter de résoudre un problème majeur : l’avancement du film à une vitesse compatible avec la rétine, donnant l’illusion du mouvement continu. Mais rien ne fonctionne correctement. Les premiers essais sont des échecs ! Un soir Louis rentre chez lui de l’usine Lumière, à Monplaisir, quartier lyonnais, puis monte péniblement l’escalier qui mène à sa chambre. Il entend des bruits sourds et entre dans la lingerie où une jeune fille active sa machine à coudre par des coups de pieds volontaires.

    Louis découvre à cet instant la solution à son problème dans le mouvement particulier de l’aiguille qui entre et sort rapidement d’un cadre porte-griffe : un mouvement saccadé qu’il reproduira pour entrainer ses images. Il explique le principe à son frère : «  Regarde, à la place du tissu, tu mets une pellicule perforée des deux côtés : ça s’arrête, ça repart, ça s’arrête, ça repart. Le cylindre est poussé par saccades, à la vitesse demandée… » Après plusieurs mois de mise au point, l’appareil est prêt !



    Il utilise une bande de celluloïd perforée de 35 millimètres qui circule à une cadence de 16 images par seconde. Le brevet est publié le 13 février 1895, prélude à 250 autres dans les cinquante ans à venir. Le 19 Mars 1895, Louis réalise le premier film cinématographique, avec pour sujet la sortie des ouvriers de son usine de Lyon. Le public, constitué d’employés stupéfaits, mais également inquiets et interrogatifs devant cette invention extraordinaire, certains se reconnaissent dans la projection et n’en croient pas leurs yeux ! Vient ensuite le 22 mars  la présentation à la prestigieuse société d’encouragement de l’Industrie Nationale : Auguste est à la technique, Louis au pupitre et Antoine , avec un énorme cigare aux lèvres, conduit les relations publiques : les Lumière sont des ingénieurs, pas des polytechniciens, un long travail de promotion sera nécessaire. Lors de cette présentation, la réaction de la salle est enthousiaste devant cette apparence complète du mouvement. De nombreux appareils sont de suite vendus et beaucoup d’autres en commande.

    C’est Louis qui trouve le nom « cinématographe » et qui décide, en septembre de la même année, d’aller filmer l’arrivée d’un train en gare de la Ciotat.




    Contrairement à une idée répandue, ce film ne fait pas partie de la liste des 10 films diffusés en public le 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café à Paris, 14 boulevard des Capucines. En grande partie car les spectateurs d’alors auraient été horrifiés de voir cette locomotive lancée vers eux à toute vitesse... Les dix films projetés lors de cette première séance de cinéma sont diffusés dans l’exposition en version restaurée et en 35 mm. Autour du projecteur, le décorateur Jacques Grange nous offre une splendide reconstitution du Salon Indien initial, ce qui rythme le parcours !

    L’endroit de cette première séance fut bien choisi : Un café célèbre des Grands Boulevards, haut lieu de divertissements à l’époque. Le salon est en bas d’un escalier en colimaçon, tapissé de bambous et décoré de photographies. Une centaine de chaises sont disponibles pour 1 franc, mais cette projection ne fera pas le plein et le prix des entrées couvrira à peine les frais de la journée. Les Folies Bergères et le musée Grévin ont ignoré l’évènement et la presse ne s’est même pas déplacée, le journal « Le Radical » trouve même ce nom de « cinématographe » rébarbatif , sans doute la raison pour laquelle il deviendra simplement le « Cinéma ». Georges Méliès comprend l’avantage qu’il peut tirer de cette technologie et propose tout de même 10.000 francs pour l’appareil, mais Auguste refuse, car il entend exploiter lui-même l’invention.

    Quand j'étais adolescent, je faisais dix-sept heures de travail par jour. Il n'y eut pour moi de dimanches, ni de fêtes.Je n'eus pas le temps de m'apercevoir que j'avais 20 ans - Louis Lumière
    Le jour où je ne peux accroître mes connaissances est un jour perdu pour moi - Auguste Lumière

    Les projections se poursuivent tout de même sans publicité et le succès du bouche-à-oreille est très rapide puisqu’il atteint rapidement les 2.500 spectateurs par jour pour des séances de 20 minutes environ. Après Paris, vient le tour de présentations à Londres, Rome et New-York. 50 films sont tournés rapidement puis « mis en exploitation ». .. beaucoup de ces œuvres sont reprises dans l’exposition, beaucoup mettent en avant un comique de situation, la franche rigolade.

    La demande est maintenant énorme et le dispositif éclipse rapidement le kinétoscope de Thomas Edison partout dans le monde. C’est ce qui permet d’affirmer aujourd’hui que les frères Lumière sont les vrais inventeurs du Cinéma , littéralement « l’écriture du mouvement » , tout à la fois technologie, spectacle et langage artistique. Vers la fin de l’exposition, les cinéastes Jerry Schatzberg, Xavier Dolan, Michael Cimino, Pedro Almodóvar, Paolo Sorrentino et Quentin Tarantino ont été invités à revisiter le premier film des frères Lumière « Sortie d'usine » en le tournant à nouveau, chacun à leur manière, sur le site originel du premier film à Lyon… un hommage bien mérité du cinéma moderne et une exposition à ne pas laisser passer...

    D.L
    27 Mars 2015 - 14 Juin 2015 - Grand Palais, Salon d'Honneur
    http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/lumiere-le-cinema-invente



    Un site lyonnais évoque la naissance de l'industrie des Frères Lumière dans cette ville : https://www.lyon-france.net/2015/06/visiter-musee-lumiere.html