Une énigme, car quand certains rois furent surnommés le hardi, le fol, le sage, le bel ou le bien-servi, il fut « le saint » et le restera, unique en son genre. Il n'est pas anodin de demander ce qui causa une telle renommée. Justifiées par sa promptitude peu commune à laver les pieds des pauvres, comme le Christ ou bien se rendre à Vincennes pour rendre justice sous un chêne, ces expressions médiatiques de vertus cardinales participèrent à la communication d’état et à la fabrication du mythe. Avec Louis, on ne sait jamais où se situe la légende et où se trouve l'Histoire. Son historiographe, Joinville, y fut aussi sans doute pour quelque chose dans sa passion pour les petites histoires. On voit par exemple dans l'exposition « la déférence de Saint-Louis pour sa mère » où le jeune roi est éloigné par sécurité de son épouse malade par sa mère Blanche de Castille, un épisode raconté par Joinville pour évoquer sa légendaire compassion.

Parmi les 130 pièces présentées à la Conciergerie, on peut admirer de merveilleuses enluminures : le psautier dans lequel le « roi qui rit » a appris à lire, sa bible personnelle ou des évangéliaires précieux. Plus modestement, mais d'un grand intérêt, figure un livre rédigé autour de 1268 par le premier prévôt de Paris, Étienne Boileau, qui liste les différentes coutumes des métiers parisiens. Par la récente réforme judiciaire, le prévôt du Grand Châtelet avait acquis un rôle judiciaire éminent augmentant celui de la préservation des privilèges des corporations.

L'énigme de l'homme trouve peut-être sa solution dans son obstination lors des dernières croisades, lorsqu’en dépit de revers conséquents, de la ferveur assoupie pour ce type d'aventures outremer, de bénéfices peu clairs et l'exemple à méditer de Frédéric de Hohenstaufen, le « roi sultan , merveille du monde » qui effleura la question avant lui, il s'embarqua vers la Jérusalem terrestre, pensant trouver la Jérusalem céleste. Il y trouvera la mort avec ce dernier mot à la bouche « Jérusalem », loin de tous, sur le piton désertique de Tunis. Comme Charlemagne avant lui, il pensait que l'ultime devoir et le plus précieux destin d'un souverain restait de conduire son peuple au salut, l’homme s’effaçait devant le Chevalier, figure de proue conduisant les mythes d'un Moyen Age finissant.
J'exulterai au sujet de Jérusalem et je serai dans l'allégresse au sujet de mon peuple. On n'y entendra plus la voix des pleurs ni la voix des cris. Il n'y aura plus là de nourrisson vivant quelques jours, ni de vieillard qui n'accomplisse pas ses jours, car le plus jeune mourra âgé de cent ans et celui qui ne parviendra pas à l'âge de cent ans aura été maudit. Ils bâtiront des maisons et y habiteront ; ils planteront des vignes et mangeront leurs fruits. Ils ne bâtiront plus pour qu'un autre habite, ils ne planteront plus pour qu'un autre mange, car les jours de mon peuple seront comme les jours d'un arbre et mes élus useront ce que leurs mains auront fabriqué. Ils ne peineront plus pour du néant et n'auront plus des enfants pour l'épouvante, mais ils seront une race de bénis de Dieu et leurs rejetons le seront avec eux ! Isaïe, ch LXV, v 19 à 23
Au mois de mai 1282, les auditions de 330 témoins de « miracles » commencèrent pour ne s'achever que l'année suivante. Défilèrent des fous, des noyés, d'anciens aveugles, des scrofuleux, des fiévreux, divers malades ayant tous obtenu guérison par l'intermédiaire de Louis. L'exposition illustre élégamment sur écran quelques-uns de ces épisodes. Une soixantaine de miracles seront finalement approuvés, complétés par 38 témoignages de « vie sainte » relatifs à la foi et à la charité. En 1297, après 27 ans d'attente, d'enquêtes et de procédures, Louis sera devenu « saint Louis des Français »
D.L