• Charles Trenet, de Narbonne à Paris à la Galerie des bibliothèques.





    Cette année, le 18 mai, on célèbre le centenaire de la naissance de Charles Trenet. À cette occasion, les villes de Paris et de Narbonne lui rendent hommage avec cette exposition musicale exceptionnelle. Elle sera présentée à Narbonne à partir du 20 juillet. Un jardin extraordinaire de 400 photographies, affiches, partitions, disques, lettres commentées et plus de 150 chansons à voir ou à écouter. Chronologique, ce chemin émouvant part de l’enfance et du pensionnat, puis débouche sur une ivresse poétique et musicale qui reste sans équivalent. Trenet est un cas unique dans la chanson française, derrière le chanteur, chapeau en feutre et l’œillet à la boutonnière, il y a un extraterrestre.


    Charles Trenet sur le tournage de "Je Chante"L’exposition se termine avec vingt dessins inédits de Cabu, grand admirateur de Trenet, qui croque avec humour la vie du chanteur. Une bande dessinée, quelquefois impertinente, qui pourtant aurait fait rire le Grand Charles. Rares sont les photos où la bonne humeur est absente, si c’est le cas, il y a toujours quelque petite facétie au fond du regard. C’est surprenant. J’ai cherché en vain un instant ou la pellicule pourrait trahir, je n’ai pas trouvé.

    Tout le jour, mon cœur bat, chavire et chancelle
    C'est l'amour , qui vient avec je ne sais quoi
    C'est l'amour  , bonjour ,bonjour les demoiselles
    Y a d'la joie partout y a d'la joie (Y a d'la joie 1936)

    Exposition particulièrement bien médiatisée. Lors d’une interview, à la question « Charles Trenet, quelle fut votre plus grand moment de bonheur ? » On pourrait s’attendre à un premier succès comme « Y’a d’la joie » ou « Je chante » ou qui lancèrent sa carrière, des immenses succès comme « la mer » : la chanson aux 4000 reprises qui resta trois ans dans un tiroir, des instants inoubliables à
    La Varenne, à Aix-en-Provence, à Paris, Avenue Alphonse XIII ou ces réceptions dans les années 80 quand, après une carrière bien remplie et avoir survécu aux redoutables modes musicales, il revenait sur scène et était vénéré par Jack Lang

    La réponse à cette question fut immédiate : « La libération », il parlait précisément de la liesse populaire du Paris de ces journées d’Aout 1944. Symbolique.

    Charles Trenet Y’a d’la joie C’est Mistinguett qui lancera vraiment Trenet qu’elle venait voir chanter chez O’Dett. Il avait créé « Y’a d’la joie », aux rimes surréalistes, pour Maurice Chevalier qui, un soir de gala, présenta l’auteur de la chanson à son public. La miss poussa Charles à la chanter lui-même : une chance. Il débutera à l’ABC en Avril 38 avec « sa » chanson. Le succès sera énorme et la source de 25 ans de brouille avec Momo, qui continuera à la chanter toute sa vie.



    Y a d'la joie, la tour Eiffel part en balade
    Comme une folle elle saute la Seine à pieds joints
    Puis elle dit: "Tant pis pour moi si je suis malade
    Je m'embêtais toute seule dans mon coin" (Y a d'la joie 1936)


    De son propre aveu, c’est de l’enfance qu’il puisa ses émotions. Plus précisément, de ces années de pensionnat ou les enfants s’ennuient le Dimanche. A la suite de la séparation de ses parents, il intériorisera ses sentiments et « se fit la promesse de pouvoir se payer un jour le bonheur un jour, s’il en avait l’occasion ». De ce rêve, il voulu faire sa vie.

    Un enthousiasme qui transpire, paroles et musiques, dans toutes ses chansons, les plus nostalgiques : « l’âme des poètes », « Fidèle », « Ménilmontant », « Douce France », « Que reste-t-il de nos amours ? », mais qui éclate vraiment dans « Boum ! » « J’aime le music-hall » « Nationale 7 » « Fleur bleue » « la vie qui va » ou les surréalistes : « La java du diable » « Le Soleil et la Lune » « la polka du roi ». Intemporelles.



    Le plus surprenant reste ce qui stupéfia ses contemporains : Ils témoignèrent souvent de l’étonnante facilité avec laquelle il composait. Les anecdotes abondent sur ces morceaux inventés souvent brusquement. « La mer » composée un matin et finie le soir. « Le jardin extraordinaire » composée un matin et chantée le soir même au Moulin rouge ! « Revoir Paris » composée dans l’avion de retour vers Paris. « Il y avait des arbres » écrite un après midi sur la route de Carcassonne etc. facilité surprenante et surnaturelle. Il ouvre sa fenêtre, regarde la lune et compose « Bonsoir Jolie Madame »


    Le « fou chantant » gagne ce surnom en 1938 après le film « je chante » et « Boum ! » l’année suivante. Mais sous cette désinvolture apparente, c’est un athlète de la chanson qui nait. 900 chansons en 60 ans de carrière. La liste figure dans l’exposition et beaucoup peuvent être écoutées avec casque audio ou chantées dans un espace karaoké avec micro d’époque pour les plus fous.

    Le parcours de l'exposition TrenetIl a fallu qu’il passe pour un fou pour qu’on le prenne au sérieux. Il part à New-York et à l’Embassy club, il fait mieux avec ses 18 chansons d’affilées que les 6 de Franck Sinatra, avant de s’éclipser sans prévenir et de prendre un avion pour revoir Paris. Il imposera ce concept de récital alors qu’à Paris se développe une autre culture, une autre chanson à Saint-Germain-des-Prés, celle des Brassens, Aznavour et les autres… et quand on lui demande s’ils auraient pu exister sans qu’il défriche le chemin, il répond :

    « Ce n’est pas très gentil pour eux, ils auraient trouvé leur chemin. La vanité est l’orgueil des médiocres, le vrai orgueil est de travailler, il incite à prouver qui l’on est ou plutôt qui l’on se croit »

    En ce soir du 29 novembre 1947, C’est un Trenet débordant de charisme que les auditeurs peuvent entendre au Théâtre de l’Etoile. La radio est là, offrant en direct le tour de chant. Il est encore jeune, il a trente-quatre ans, est gonflé d’énergie et a travaillé aux Etats-Unis l’art du dialogue avec le public. Il introduit chaque chanson d’un récital de 25 chansons dont un rappel de « La mer ». Une connivence heureuse avec le public. Si jamais vous êtes morose, vous avez un coup de fatigue ou manquez d’inspiration, écoutez Trenet. Souvenez-vous du rendez-vous des chansons et des poètes, Ça réveille…


    Exposition du 12 avril au 30 juin 2013 puis à Narbonne le 20 Juillet. 
    http://www.paris-bibliotheques.org/expositions/trenet-le-fou-cent-ans/
    Programme des manifestations nationales :
    http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/recueil-2013/arts/charles-trenet/manifestations
     

    Franck Ferrand a consacré une intégrale au “fou cent ans” en mai :