Une visite de l’Hôtel de ville de Paris est toujours un évènement. Elles sont gratuites et organisées régulièrement en dehors des journées du patrimoine où vous pouvez voir quelques bonus comme le bureau du Maire (155 m2 !). Une visite qui met l’accent sur les divers salons et leur superbe décoration de la fin du XIXe siècle. On en prend plein les yeux. Pour le reste, la discrétion est de mise. Motus sur une histoire étonnante, pourtant essentielle, capitale. Un silence presque suspect, si le feu des passions passées est éteint et inconnu de la plupart des générations récentes, les braises sont toujours là. Les armes de la ville de Paris, de Bleu et de Rouge dessinent une nef tranquille, mais au dessus de cette belle apparence qui coure au près du vent, c’est souvent l’orage qui pointe et aux moments calmes, succèdent d’autres beaucoup moins joyeux… elle flotte mais ne coule pas…
Souvent, on ne comprend pas les moments dramatiques qui se sont déroulés à l’Hôtel de ville. Tout cela dépasse l’entendement. Son visage aujourd’hui est celui d’une copie néo-renaissance de l’ancienne bâtisse qui brûla en 1871, une copie républicaine, identique à l’extérieur et complètement différente à l’intérieur… de la maison du peuple de Paris qui disparut à la suite de l’incendie allumé par le peuple de Paris.

Dans cette nef travaillent aujourd’hui 5.000 personnes et 1.000 réceptions par an y ont lieu ! Le maire peut choisir d’y habiter, ou pas. Une fonction qui inspirait tellement de méfiance qu’elle fut supprimée en 1794, en 1848 puis en 1871 pour n’être reconduite qu’en 1975, plus d’un siècle plus tard. C’est que la France s’est toujours méfiée de cette fille un peu trop turbulente et de sa prévôté qui entretient souvent la rébellion de ses ouailles. La liste est longue, comme Fleuriot-Lescot qui accueillit Robespierre les bras ouverts à l’hôtel de ville en Thermidor avant de le suivre le lendemain dans sa charrette ; Odilon Barrot, qui manigança l’éviction de Charles X et constitua un gouvernement provisoire à l’Hôtel de ville ; Armand Marrast qui fut un des organisateurs des banquets qui provoqueront la révolution de 1848 et la proclamation de la République à son balcon. Quand à ceux qui s’avisent du contraire, on leur rappelle le triste sort qui fut celui de Flesselles en 1789, lors de la « grande Révolution » : la tête sur une pique.


Dans ce passé tumultueux, il y a beaucoup de choses vues de notre Histoire. Vous n’en aurez que brièvement l’évocation dans le modeste “salon de transition” décoré des peintures de Jean-Paul Laurens et dans laquelle figure également : à dessein ? L’impressionnante collection des bordereaux signés par les présidents venant recevoir “l’hommage-lige” de la municipalité. Quelques épisodes fameux de la conquête des libertés y sont représentés : celui de Louis VI octroyant la première charte ; celui de la répression des maillotins en 1382, châtiés pour avoir réclamé la justice fiscale ; l’interpellation d’ Anne du Bourg en 1559, pendu en place de grève pour la liberté religieuse ; l’arrestation de Broussel , exilé pour avoir défié Anne d’Autriche ; Bailly flanqué de La Fayette recevant Louis XVI peu après la prise de la Bastille en juillet 1789 et peu avant de finir guillotiné au champ-de-Mars.


Jeanne d’Arc, qui a aujourd’hui plusieurs statues en son honneur à Paris y sera grièvement blessée en 1429 alors qu’elle tentait de prendre la porte Saint-Honoré et d’y ramener le Roi Charles VII quand la ville avait choisi les Anglais et les Bourguignons contre les Valois, un choix qu’elle paiera au prix fort par une longue guerre civile plus ruineuse encore que les folles dépenses de cette famille.

en 1792, l’hôtel de ville a bien sûr toujours été du côté des plus acharnés défenseurs de « la liberté » contre « l’oppression »,

Les Bonaparte, justement, n’auront pas la naïveté de leurs prédécesseurs et couvriront la ville d’hommes dociles avec des moyens dissuasifs couplés à une police solide et peu scrupuleuse : les préfets, dont certains resteront célèbres : Rémusat, Pasquier, Lépine, Rambuteau et bien sûr Haussmann qui avait pris logiquement son bureau à l’Hôtel de ville. La nouvelle dynastie corse sera attentive et prévenante envers la ville redevenue capitale d’un Empire et le bourgeois parisien est fier de célébrer à l’Hôtel de ville la proclamation de l’Empire, le mariage avec Marie-Louise ou la naissance du roi de Rome. De célébrations pompeuses en bals grandioses, l’empereur décorera sa capitale et un projet de construction de palais impérial est même prévu sur la colline de Chaillot.

« …Il n’est pas un d’entre nous qui, dans le secret de son cœur, ne le déteste comme un ennemi public ; pas un qui, dans ses plus intimes communications, n’ait formé le vœu de voir arriver un terme à tant d’inutiles cruautés… »
Qu’ils semblent alors bien loin les feux d’artifice tirés au Louvre ou place de la Concorde ! Il est vrai qu’il y a 700.000 hommes aux portes de la ville et la frayeur immense de voir l’Europe coalisée faire à Paris ce que les armées françaises et Denon avaient fait à Milan, Rome, Venise, Berlin, Madrid ou Moscou. Finalement, cela se passa plutôt bien et le pillage fut évité de justesse et même le pont d’Iéna resta débout.
C’est à nouveau la défaite militaire d’un Bonaparte, à Sedan en 1870 et la restitution des canons de Montmartre, que les parisiens avaient payés de leurs propres deniers pour défendre la ville, qui déclencha l’étincelle en mars 1871 et la proclamation de “la commune insurrectionnelle” avec des conséquences tragiques pour ses bâtiments et sa population, car cette fois une partie de la population mobilisée périra ou sera déportée, la garde nationale sera supprimée et l’Hôtel de ville partira en fumée. La punition fut sévère et la ville ne retrouvera son maire qu’avec des pouvoirs de police limités aux amendes de stationnement et à la sécurité des marchés et des jardins, chose unique en France !
L’endroit que vous voyez aujourd’hui, d’une froideur abyssale, incommode d’accès, cette place battue par les vents et écrasée par une copie de façade Renaissance n’à rien à voir avec ce qu’elle fut autrefois quand les commerçants en firent leur foyer.

L’inauguration du nouvel édifice, celui que vous devez absolument visiter aujourd’hui, eut lieu le 13 Juillet 1882, il s’accompagna d’un banquet prestigieux au cours duquel le président de la République d’alors, l’avocat jurassien Jules Grévy, verre de Champagne à la main eut ces mots : « Je porte un toast à Paris ! Paris, qui a pris une si brillante part à l’épanouissement de la civilisation française ! » On dit qu’un ange passa…
Visite guidée de l'hôtel de Ville de Paris - Gratuit
Téléphone pour inscription individuelle : 01 42 76 43 43
http://www.paris.fr/politiques/paris-d-hier-a-aujourd-hui/visiter-l-hotel-de-ville/p4962
Visite virtuelle :
