Pitié-Salpêtrière : Le plus grand hôpital d’Europe fête ses 400 ans




Une ville dans la ville, ainsi a-t-on l’habitude de qualifier la vénérable institution qui célèbre cette année ses quatre siècles d’existence. À cette occasion, un programme de célébration et de mise en valeur de ce patrimoine de 33 hectares a été mis en place. Une belle idée que de revenir sur la riche histoire médicale qui débuta en 1612 avec Marie de Médicis et son petit hospice pour mendiants situé pas très loin, à l’emplacement actuel de la mosquée de Paris…

Vous connaissez peut-être la fameuse ”cour des miracles” et la manière dont La Reynie, le premier préfet de police de Paris, nettoya cet endroit et les rues de Paris de ses mendiants, truands, éclopés et autres misérables qui traînaient le pavé parisien au Grand Siècle et dont certains recouvraient curieusement leurs capacités une fois revenus dans ce royaume des bas-fonds de la ville, d’où les “miracles” … C’est au roi Louis XIV qu’on le doit. Paris était à cette époque une ville effrayante, sale et qui sentait mauvais et dont les rues sombres et dangereuses étaient souvent à haut risque pour celui qui s’y aventurait sans prendre de précautions ou cherchait de trop près des amours tarifés. Certaines ont encore gardé leur nom évocateur ou furent maquillées par pudeur : rue brisemiche, rue des mauvais-garçons, rue tire-vit, rue trousse-nonnains etc..

En 1636, les terrains du Bas-Bréants sont achetés pour y implanter un “hôpital”  à l’emplacement d’un petit arsenal ou se fabriquait de la poudre à munition au Salpêtre : la Salpêtrière”. Les architectes, dont Libéral Bruant, celui des Invalides, construisirent alors de nouveaux bâtiments dont ne reste actuellement que la chapelle octogonale, le pavillon Hemey et la Lingerie. C’est en 1684  que le Roi Soleil décide d’y adjoindre une prison pour les enfants et les femmes : la Force” où sont rassemblées les voleuses et les prostituées. Manon Lescaut, du roman de l'abbé Prévost et la comtesse de la Motte, de l’affaire du collier de la reine, y furent enfermées tout comme les convulsionnaires de Saint Médard

Conduite des prostituées à la SalpétrièreOn ose à peine imaginer l’enfer que devait constituer ce capharnaüm, à la fois crèche, hospice (dortoir des vieilles), prison (force), asile (loges des folles) mais également dortoirs d’aveugles, estropiés, invalides dans ce lieu sans fonction médicale autre que des traitements sommaires et la prière pour attendre la fin de leur pauvre vie. Folles, paralytiques, gâteuses, estropiées, trembleuses, écrouellées, galeuses, teigneuses souvent complètement nues ou à demi-couverte d’une couverture de laine sont regroupées par infirmités. On y trouve même des “paresseuses” ou des protestantes après la révocation de l’édit de Nantes ! Dans les dortoirs, les filles couchent à quatre dans le même lit et certaines directement sur le carreau, en attendant que les places se libèrent.

Certains témoignages des habitants des bourgs voisins de Saint-Marcel et de Saint-Victor racontent les râles et les gémissements sauvages et nocturnes en provenance de l’Hôpital, quelquefois synchronisés par les malades entre-eux dans une sorte de grand sabbat.
À l’intérieur, la gale est la maladie la plus répandue. Voici le traitement que recommandent les “médecins” :

Comment soigner la gale ? 
À six heures du matin, les pauvres sont conduits en rang dans la majestueuse chapelle de saint-Louis, qui existe toujours, construite en forme octogonale de croix grecque à quatre nefs, Cette organisation répondait ainsi au besoin de réunir, sans les mélanger, diverses catégories de personnes indigentes lors des offices religieux.
Salpétrière chapelle de saint-LouisDes journées qui sont rythmées par l’arrivée de charrettes de nouvelles prostituées ou le départ des carrioles de malades pour l’Hôtel-Dieu. Une fois l’an, un sinistre convoi se rend à Notre Dame pour la Fête-Dieu puis pour prier aux églises de la montagne Sainte-Geneviève sur le chemin du retour, beaucoup voient Paris pour la dernière fois à cette occasion.

Les Septembriseurs de 92Sous la Révolution, 10.000 personnes y sont entassées, dont 300 femmes marquées au fer rouge du V ou d’une fleur de lys sur l’épaule droite : la marque de la flétrissure des prostituées et beaucoup d’aliénées mentales enchaînées avec un boulet. Pendant des massacres de Septembre 1792, alors qu’on tue sans discernement et à la moindre rumeur dans toutes les prisons parisiennes, certaines seront libérées et d’autres simplement exécutées par une section de sans-culottes, qui avait pris position dans l’enceinte.

Philippe Pinel à la SalpêtrièreL’Hôpital deviendra un établissement de soin pour maladies mentales à partir de 1794 et c’est seulement en 1882 qu’il deviendra un établissement à la renommée mondiale grâce à Jean-Martin Charcot (1825-1893) et ses ”leçons du mardi”. La visite aux folles constituait, pour les Parisiens et les étrangers, un lieu de promenade, un des éléments du circuit touristique de l’époque. Léon Daudet , qui accompagnait son père Alphonse, y ont également contribué. Freud, le fondateur de la psychanalyse y fut élève et traduira Charcot en allemand. Au XXe siècle, c’est un hôpital à part entière avec une faculté de médecine depuis 1966 ; le centre de cardiologie a été fondé en 2000 et l’ancien plateau des urgences, qui avait reçu lady Di à la suite de son terrible accident, a été rénové en 2005. L’institut de la maladie d’Alzheimer a seulement deux ans.

Le professeur François Richard, ancien chef de service d’urologie est le responsable du comité de pilotage des 400 ans de la Pitié-Salpêtrière. Autour de cet évènement, ce comité organise un cycle de conférences historiques tous les premiers mardi du mois de 17h à 19h au sujet des disciplines et des hommes qui ont marqué l’hôpital, ainsi qu’un concours de photos et des concerts. Il propose également des visites, particulièrement celle de la cour de l’hôpital Saint-Louis, qui date d’Henri IV et qui ressemble à la place des Vosges, en mieux !

Une leçon du Dr. Charcot à la Salpétrière
Une leçon du Dr. Charcot à la Salpétrière
© BIU Santé, Paris



sources :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8414902h/f1.zoom.r=la%20Salp%C3%A9triere.langFR
http://blog.bnf.fr/gallica/?p=5680
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k774126/f54.image
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_Saint-Louis_de_la_Salp%C3%AAtri%C3%A8re

 

 

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