• “The Artist” de Michel Hazanavicius


    The Artist de Michel HazanaviciusCe film nous fait revivre l’atmosphère d’Hollywood des années vingt, des années folles, des stars et des starlettes, après la Grande guerre (1918) et avant la Grande crise (1929) comme une parenthèse enchantée qui fut, pour beaucoup, une époque bénie. Là-bas, naîtra un nouveau cinéma : le cinéma parlant.

    Ce film, lui, précisément, reste muet et exceptionnel.
    C’est un âge d’or, une période faste, où la musique n’était plus celle de Satie ou de Debussy, mais venait de l’autre côté de l’Atlantique. La première Guerre avait déposé avec ses boys un son nouveau sur la vieille Europe : le jazz puis à partir de là, plusieurs enfants dont le Charleston. L’histoire du film est celle de deux destins croisés, voués au spectacle, mais qui ne se trouvent pas. Le cinéma parlant remplace le cinéma muet et les vedettes changent, meurent, naissent. Si l’Europe avait inventé le Cinéma, c’est bien aux États-Unis qu’il  se perfectionne de plus en plus.  En 1927, naît le premier film parlant : “The Jazz Singer” avec un disque sonore. L’année suivante, le son sera directement enregistré sur le film. C'est aussi au cours de ces années là qu’apparaît la Radio.

    Ce film muet montre que naît un signal, mais aussi du bruit, de ce nouveau sens artistique. Le chemin de l’Art n’est pas dans la technique mais s’exprime dans le naturel. Nous en avons ici un exemple, dans le noir, dans le blanc.
    Car il y a autre chose : un éloge de la simplicité et de l’instinct. Peut-être pour montrer que lorsque la course à l’amour-propre ou à la fatuité se déclenche, elle conduit d’abord à un abîme en soi, puis au bucher des vanités. “Quand orgueil chevauche devant, ruine et misère suivent de près derrière”.

    Le sourire blanc de George Valentin et le charme noir de Peppy Miller seront toujours là pour nous rappeler cette leçon. Simplicité d’un petit chien, d’un majordome. Simplicité de la rencontre et du coup de foudre aussi, de l’émotion qui ne se puise que dans l’enfance. Simplicité de la déchéance de l’un et de la gloire de l’autre.
    Mais aussi éloge de l’instinct, de l’animal de compagnie qui sauve, de la femme qui comprend, en un éclair de vie qui s’anime au plus profond de l’inconscient. Instinct et monstruosité de l’amour, comme cet instant de la découverte des souvenirs dans le salon fermé, cloîtré, comme l’âme de Peppy, celle qui condamne mais aussi celle qui sauve. George Valentin est cette simplicité et Peppy Miller est cet instinct. C’est beau, un homme qui reste un enfant, c’est beau, une femme qui aime.
    Il n’est pas nécessaire de disposer d’effets spéciaux pour faire comprendre cela, ni même du son. Au final, c’est un film muet qui dit beaucoup.
    Un seul regret, celui en moi de ne pas connaître avec précision toutes les allusions faites aux personnages réels comme Gene Kelly, Orson Welles, Ginger Rogers, Marlène Dietrich etc. ainsi que les clins d’œil aux œuvres du cinéma muet.  Pour ceux qui ont cette culture là, et une bonne anthologie en tête, le ravissement doit être encore supérieur.