• Élisa, Pauline et Caroline... Bonaparte : 3 destins italiens à Marmottan-Monet

    Les trois sœurs de Napoléon sont actuellement à l’affiche d’une exposition au musée Marmottan-Monet jusqu’à fin janvier. Trois vies romanesques, trois caractères très différents au milieu d’évènements politiques qui les dépassaient considérablement, mais desquels dépendaient leur destin et leur avenir. Trois sœurs passées d’une vie modeste d’immigrées corses à des vies de princesses grâce aux circonstances de la Révolution. Leur mère, en vrai chef de famille, le leur disait souvent : « pourvu que ça dure ». Élisa, Caroline et Pauline suivirent les plans politiques de leur frère, qui ne se privait non plus pas de les leur rappeler. Un rendez-vous à ne pas rater avec la famille Bonaparte…


    Élisa, Pauline et Caroline... Bonaparte : 3 destins italiens à Marmottan-Monet

    C’est à la suite de la victoire inespérée de Bonaparte et Desaix à Marengo, le 14 juin 1800 que la France réussit à expulser les Autrichiens d’Italie et mettre indirectement un terme à la guerre qui datait de la Révolution Française en 1792. Une période de calme précaire s’ouvrait. Le prestige de cette victoire est retentissant, permet au corse de terminer la Révolution et de s’assurer le pouvoir. Il s’approprie l’Italie comme butin de guerre pour sa famille et ses sœurs y sont envoyées comme ambassadrices de cœur et d’esprit. En réalité, elles avaient reçu une éducation assez rudimentaire qui choquait bourgeois et aristocrates mais Napoléon comptait sur les liens familiaux de fidélité unissant la famille corse, bien qu’entre-eux les comportements indélicats soient fréquents. Élisa deviendra princesse de Piombino et de Lucques, puis grande-duchesse de Toscane. Pauline épousera le prince romain Borghèse. Quant à Caroline, elle s’installera avec Joachim Murat à Naples : Trois destins italiens.

    Les sœurs de Napoléon au sacre de 1804 à Notre-Dame de Paris
    Les sœurs de Napoléon au sacre de 1804 à Notre-Dame de Paris : de g à d : Caroline Murat, Pauline Borghèse, Elisa Baciocchi, accompagnées d’Hortense de Beauharnais tenant son fils et de Désirée Clary.
    Napoléon donnera à Saint-Hélène, où aucune n’était présente, l’idée qu’il se faisait de ses sœurs :
    « Ma sœur Elisa était une tête mâle, une âme forte : elle aura montré beaucoup de philosophie dans l’adversité. Caroline est fort habile et très capable. Pauline, la plus belle femme de son temps peut-être, a été et demeurera jusqu’à la fin la meilleure créature vivante. Quant à ma mère, elle est digne de tous les genres de vénération »
    Elisa BaciocchiOn voit immédiatement dans l’exposition la différence physique d’Élisa avec ses deux sœurs : plus grande, peu souriante, un regard froid et un nez proéminent qui a dû poser quelques soucis aux artistes. Elle était la plus intelligente et celle ayant reçu la meilleure éducation dans une maison royale à Saint-Cyr. Elle tenait salon chez son frère Lucien à l’Hôtel de Brissac, actuelle mairie du VIIe arrondissement, où se côtoieront Chateaubriand et Louis de Fontanes, dont on voit les portraits à l’exposition : personnalités qui tenaient un rôle important
    dans la conservation de l’esprit français en cette période de grands bouleversements. Cela dit, dans son salon, on y parlait plus de politique ou de beaux militaires que d’art ou de littérature, mais enfin. Napoléon lui donna des fiefs en Toscane, qu’elle essaiera de gouverner à la française c’est-à-dire en levant des impôts et en capturant les biens du clergé, tout en favorisant les idées éclairées de la Révolution, mais se heurtera à une population très sceptique notamment lors de l’enlèvement du Pape par les émissaires de son frère en 1809. Elle sera emportée politiquement par la débâcle de 1814, sans pouvoir y faire grand-chose et restera en Italie puis mourra peu de temps après, de la même maladie semble-t-il que son frère : cancer de l’estomac et un an avant lui (1820), à 43 ans. Elle avait quatre enfants.

    Caroline Murat par Vigee-LebrunOn voit bien dans le regard de Caroline toute l’arrogance et l’envie qui ne cessèrent jamais de la faire avancer. D’une éducation très sommaire, elle fut ouvrière jeune et très bien assortie à sa tête brulée de mari, Joaquim Murat, avec qui elle s’entendait comme chien et chat. Après avoir occupé le luxueux hôtel de Thélusson, les ambitieux s’installèrent à L’Elysée en 1805, qu’elle décora de nombreuses œuvres d’art. De somptueuses fêtes y furent données, notamment des bals costumés. On voit dans l’exposition le fameux portrait peint par Elisabeth Vigée-Lebrun, qui eut tant de mal à se faire en raison du caractère difficile et des manières de Caroline, qui
    se prenait pour une vraie princesse, mais dont les jérémiades fatiguaient
    celle qui avait peint Marie-Antoinette.

    Caroline et Murat reçurent le prestigieux Royaume de Naples en 1808. Napoléon remerciait ainsi le modeste fils d'aubergiste du Lot devenu un Roi grâce à aux nombreux services peu glorieux rendus à son beau-père : le 13 Vendémiaire, le 18 Brumaire ou l'affaire du duc d'Enghien, mais aussi aux charges de cavalerie prestigieuses et victorieuses comme à Austerlitz. Caroline s'occupait de la décoration des palais royaux, en particulier le Palazzo Reale et s'intéressait beaucoup aux fouilles archéologiques de Pompéi, qu’elle fit avancer en mobilisant l’armée.

    Après la déroute, ils trahirent Napoléon pour conserver leur royaume : Dans la nuit du 7 au 8 janvier 1814, un accord avec l'Autriche fut signé : Murat promettait une armée de 30 000 hommes pour combattre « l’ogre » , mais il n’osa jamais aller jusqu’à attaquer l’armée française. Caroline renoua avec son frère pour essayer de conserver le royaume, devant la menace anglaise, cette fois. À Waterloo, Napoléon refusa la présence de Murat, car cela aurait provoqué un effet détestable sur la troupe, mais il reconnaîtra que son incroyable courage aurait pu être décisif face aux carrés anglais. Il fut fusillé par les Bourbons après un simulacre de procès en 1815 et Alexandre Dumas dira (inventera ?) que Ferdinand de Bourbon conservait sa tête dans un bocal.

    Après la défaite, Caroline, qui avait été la maîtresse de Metternich, sera déclarée prisonnière de l’Autriche et y partira avec ses enfants, définitivement et sans revoir personne. Elle eut en 1831 l’autorisation de s’installer à Florence où elle mourut folle en 1839. Elle avait quatre enfants.

    Pauline BorghesePauline était la sœur préférée de l'empereur. C’est visible à l'exposition, pas un portrait où il ne soit dans l'ombre, en statue, ou sur un camée. C'est la plus connue des trois sœurs en raison de sa réputation de nymphomanie qui faisait jaser. La longue liste de ses aventures débute par le révolutionnaire Fréron, le « missionnaire de la terreur » . Elle était d'une extrême beauté avec un visage gracieux, une bouche délicate et un regard qui attendrissait Bonaparte, mais d’une santé fragile.Pauline Bonaparte par Canova Le palais Borghèse en témoigne par le chef-d'œuvre de Canova où elle apparaît en vénus dévêtue dans toute sa splendeur, l’exposition nous en montre une copie. Épouse du prince Borghèse par intérêt, elle avait un cœur d'artichaut, s'ennuyait ferme à Rome et cherchait par tous les moyens à s'en évader. Elle eut la malchance de ne plus avoir d'enfants après la mort de son premier né : « Dermide » auquel Napoléon lui-même avait donné le prénom, celui de sa poésie préférée. Pauline le suivit fidèlement dans l’exil à l'Ile d'Elbe et la jolie robe que l'on voit à l'exposition devait faire un certain effet à la petite cour de Portoferraio. Après Waterloo, elle souhaitera le rejoindre à Saint-Hélène, mais sa demande sera rejetée par les Anglais. La « cervelle d'oiseau dans un corps de rêve » restera en Italie jusqu'à sa mort en 1825.
    D.L

    « Les Sœurs de Napoléon. Trois destins italiens » se tient au musée Marmottan à Paris jusqu’au 26 janvier 2014.
    http://www.marmottan.fr/fr/prochainement-exposition-2538


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